En forêt avec Vincent Munier

Vincent Munier

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Vincent Munier, photographe et cinéaste plusieurs fois récompensé par des prix prestigieux, s’est fait connaître par une écriture photographique unique, inspirée par les estampes japonaises et l’art minimaliste : brume, pluie, neige, blizzard… habillent les animaux et les paysages, dont on distingue parfois seulement les silhouettes.

Amoureux de la nature sauvage, il parcourt aussi les forêts françaises, en particulier celle des Vosges, depuis son enfance.

Interview de Vincent MUNIER

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  • Les Grands-Ducs

    Au centre de l'image, derrière un enchevêtrement flou de branchages situé au premier plan, la forme sombre d'un rapace est perchée sur la cime d'un sapin enneigé : les branches maigrelettes du résineux sont dressées en diagonales vers la voûte grisâtre du crépuscule. L'oiseau aux ailes repliées arbore une tête ronde surmontée de deux bouquets de plumes verticales, ce sont les aigrettes du hibou Grand-Duc. Juste au-dessus du rapace, sur la droite, la silhouette majestueuse en ombre chinoise d'un congénère est figée dans le ciel du soir, la queue en éventail à peine visible derrière les branchages troubles, ses larges ailes déployées, terminées par de longues plumes aux extrémités arrondies légèrement écartées les unes des autres : ce sont les rémiges. Les aigrettes qui coiffent sa tête sont plus pointues : c'est le mâle.

    Les grands ducs
  • Le Blaireau

    En plein centre d'une image aux contours obscurs, la présence d'un petit mammifère trapu finit par se deviner : au bout d'un corps grisâtre au derrière tout en rondeur, une tête blanche triangulaire pointe vers le sol imprécis : elle est traversée du museau jusqu'aux oreilles par deux bandes noires, lui donnant des airs de cambrioleurs romanesques. Ses petites oreilles couleur d'encre se parent à leur extrémité d'un liseré arqué de poils blancs.

    Le Blaireau
  • Le Lynx

    Dans la forêt, le jour est levé : entre deux énormes troncs mousseux totalement flous occupant presque toute l'image, la petite tête d'un félin affleure dignement d'un entassement de branches, observant le photographe droit dans les yeux, nous scrutant de son regard perçant, mais pourtant tranquille. Le lynx, situé en plein milieu de la photo, n'a pas peur. La robe crème tachetée de noir, sous sa gueule de gros chat, il arbore deux favoris blancs pointant vers le sol. Ses yeux jaunes en amande, sont cernés et soulignés d'un subtil trait noir qui se laisse couler vers l'arrière, contournant les favoris, telle une longue larme de khôl indélébile. La tête anguleuse de ce mâle est coiffée de deux oreilles triangulaires, chacune terminée par une touffe de poils sombres appelée « pinceau ».

    Le Lynx
  • Le Pic Noir

    Ce matin-là en forêt, la lumière rasante du soleil éclaire un oiseau au plumage entièrement noir cramponné au pourtour d'un trou circulaire creusé très haut dans un tronc d'arbre. L'écorce grise et lisse du hêtre est tachetée de lichen blanc. Le Pic Noir, qui fait à peu près la taille d'une Corneille, présente au sommet de son crâne une calotte rouge vif s'étendant du front jusqu'à l'arrière de la nuque. Son bec blanc tourné vers le soleil est assorti au minuscule anneau qui cerne sa pupille. Le grand hêtre accueillant le Pic se dresse sur la partie droite de la photo. Au centre, au second plan, un 2ème arbre aux détails indistincts se dresse derrière quelques branches dénudées. Le halo lumineux émanant de la gauche trace sur le tronc un fin liséré d'or, qui souligne ensuite la silhouette du Pic accroché à son trou.

    Le pic noir
  • La Rosalie des Alpes

    Dans la forêt du massif du Jura, la lumière est basse. Depuis l'affût, du fait du contrejour, un amas de feuillage sombre, flou et confus bloque presque toute la vue. Mais dans une légère percée dans la végétation, au centre droit de l'image : une apparition des plus mystérieuses, ou même fantastiques. Dressée sur la crête dentelée d'un fragment de hêtre mort, la silhouette au long corps d'un coléoptère est levée sur ses pattes arrière, prête à l'envol. Tout en ombre chinoise, la faisant ressembler plus à une petite fée ou à un minuscule dragon qu'à un insecte, la Rosalie des Alpes déploie ses élytres, les étuis cornés étirés qui recouvrent ses ailes plus souples, elle-même déjà ouvertes pour le décollage. Le long corps assombri de profil de la Rosalie se termine par d'interminables antennes courbées, ponctuées de petites boules de soie noire au relief tout à fait visible sur la photo. Plus on s'approche de l'extrémité des antennes, plus ces boules rétrécissent.

    La rosalie des Alpes
  • Le Grand Tétra

    Il est 4 ou 5h du matin, les premières lueurs précédant l'aube dessinent les contours des hauts conifères qui peuplent la forêt. Vincent est tapi sous son filet depuis de longues heures. Des branchages nébuleux garnissent l'image : au centre, une percée laisse entrevoir au loin les cimes de trois résineux pointant vers le ciel. Les géants arborent une batterie de branches frangées d'aiguilles. Au premier regard, rien à signaler. Mais, en plissant les yeux, considérant la photo avec plus d'attention, la minuscule silhouette de profil d'un gallinacé est perchée sur les plus hautes branches de l'arbre de droite. On devine alors une large queue en éventail, un corps arrondi de petit dindon et un cou massif menant à une petite tête au bec dressé vers la voûte pré-matinale.

    Le Grand Tetrat
  • Les Cerfs aquatiques

    Dans l'aube naissante automnale, sur la queue d'un vaste étang, un rideau de brume flotte sur la surface gris-argenté, et s'étiole en s'élevant vers le ciel. Les silhouettes d'encre de deux Biches nagent de profil depuis la gauche : leur large cou et leur tête au museau allongé plantée de deux oreilles en pointe émergent de la surface, ainsi que la courbe douce de leur échine. Sous le voile brumeux, un Cerf majestueux est campé au milieu de l'étang : le cou robuste dressé, enveloppé d'une écharpe de longs poils, le roi de la forêt est tourné vers le photographe, offrant à contempler le déploiement de ses somptueux bois symétriques, ramifications osseuses érigées vers le ciel du matin : c'est un dix cors, reconnaissable par les 10 pointes, les andouillers, qui composent ses bois. Sous cette couronne, deux larges oreilles sont orientées vers les côtés, presque parallèles à l'étendue d'eau. Chacun des trois cervidés laisse dans son sillon de nageur un ourlet d'écume blanche.

    Les cerfs aquatiques
  • La Biche et son Faon

    L'automne, à la lisière de la forêt vosgienne embrumée. Sous leurs frondaisons encore généreusement feuillues, deux grands chênes à contrejour, au tronc robuste, offrent une percée sur un épais buisson de joncs.

    La biche et son faon
  • Le Goupillot

    Dans l'aube avancée, un manteau aux reflets d'or recouvre une prairie de graminées aux tiges filiformes terminées d'inflorescences en épi : un souffle léger fait ploir ces herbes hautes vers la droite. Au-dessus des graminées flottent des grains de pollen incandescents, paillettes d'or en suspension offertes par la lumière matinale. Sur la ligne du premier plan, tout est sombre et flou. La toile de fond végétale est une large bavure noire ponctuées de quelques taches lumineuses indécises.

    Le goupillot
  • Cerf qui fume

    Dans la froideur d'un matin d'automne, un soleil puissant illumine les herbes jaunies d'une clairière. A l'intérieur d'une percée en forme d'amande, comme un œil énorme cerné d'un noir flouté, le roi de la forêt, tout en ombre, au pelage encore humide, est campé à l'emplacement exact d'un faisceau doré pleuvant du ciel. Arrivé depuis la gauche, le Cerf à 8 cors regarde derrière lui, ployant son large cou, offrant le profil de sa tête aux bois pointus ramifiés vers l'arrière.

    Le cerf qui fume

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« Cette immersion au cœur des forêts nous suggère qu’un autre rapport au monde, au temps et au vivant est possible. Les images de Vincent Munier révèlent la beauté du monde sauvage présent tout près de nous. Nul besoin de parcourir le monde pour nous émerveiller de cette nature à la fois grandiose, paisible, énigmatique et foisonnante de vie. Prendre le temps d’observer, de ressentir l’émotion simple d’une rencontre furtive, est essentiel pour nous reconnecter à la nature et envisager de vivre en harmonie avec l’ensemble du vivant. En nous réconciliant ainsi avec le monde sauvage, en ne cherchant plus à le maîtriser à tout prix, en apprivoisant nos craintes, nous apprendrons peut-être à mieux respecter ces espaces encore préservés. Les forêts sont fragiles, et parce que notre présence perturbe leur équilibre, nous devons les fréquenter sur la pointe des pieds… »

Remerciements et crédits

Conception de l’exposition
Musée des Confluences :
Cécilia Fregonara – Cheffe de projets
Marion Lyonnais – Scénographie
Kobalann Productions :
Vincent Munier, Marine de Lacoste, Léo-Pol Jacquot, Antoine Lavorel
Réalisation : Vincent Munier

Audiodescription
Direction de projet : Fondation VISIO
Rédaction de l’audiodescription et narrateur : Morgan Renault
Enregistrement et mixage : Jean-Yves Pouyat – Studio Pannonica
Application d’accès à la visite audiodécrite : Livdéo